02/01/21
Le temps, l’identité et le soi (non, ce n’est pas une fable de Lafontaine !)
« Le temps est une illusion obstinément persistante, il n’est pas linéaire, c’est notre cerveau qui nous le fait croire » Einstein.
« Le temps n’a guère de vertu, en parler n’équivaut jamais à le dire, encore moins à le saisir : tenter de s’accorder à son propos revient à vouloir sculpter l’océan » Etienne Klein – physicien et philosophe des sciences.
Si l’on remplace le mot Temps par le mot Identité et/ou Soi, sans changer le reste de cette dernière phrase, on se retrouve exactement dans la même situation.
La frontière du temps, de l’identité et du soi, est équivalente à la frontière de nos raisonnements.
Or nous sommes terriblement tributaires des définitions que nous donnons à ces termes, puisque cela conditionne l’usage de nos vies vers celles-ci.
Si le temps et l’identité s’évanouissent de la même façon dans nos intenses introspections, il se passe quelque chose d’un tout autre ordre pour le Soi.
Nous avons vu avec quoi nous bâtissions notre identité (sensations et donc émotions de toutes nos expériences qui tentent de répondre au collectif pour une reconnaissance…le tout mis en mémoire de façon irrationnelle) mon identité est vague et flottante dans un monde en perpétuel changement !
Puis regardons le temps que nous expérimentons.
Nous somme passés des années 1800, d’un temps de travail dans nos vies de 70% à 12% maintenant, c.à.d. presque 6 fois moins. Nous avons fabriqué une société du temps libre trop remplie (10 fois plus d’activités de loisirs) – Jean Viar sociologue -.
Le choix dans le trop est chronophage, c’est le temps du zapping non productif de toutes nos activités avides de sensations.
Nous avons perdu un temps si précieux, ce temps de contemplation du labeur bien fait où nous allongions nos jambes de fatigue au cœur même de notre présence au monde.
Dans toutes nos sociétés anciennes, nous avions en toile de fond, en plus de ces temps de contemplation, des temps de méditation. Là où maintenant nous pensons perdre notre temps quand on ne fait plus rien, les plus lucides échappent au temps dit à rentabiliser pour entrer, par une communication dehors/dedans sans limites, dans une sensation de vie en expansion.
Parce que véritablement se connaître demande un effort constant et que l’effort est devenu un problème de par nos sociétés de consommation, nous tentons alors, de toucher cette sensation par des moyens faciles et artificiels (connaissances de surface, voyages, alcools, drogues et autres…sans effets durables… dommage !) seul l’effort répété offre en profondeur une réelle transformation… jusqu’a devenir cette sensation d’être autant dehors que dedans en même temps, où chaque détail de chaque événement nous fait toucher le tout simultanément !
Cela nous amène donc au Soi, tout aussi fuyant que le temps et l’identité quand on veut le saisir intellectuellement !
Et pourtant c’est ce qui reste quand on a enlevé tout le reste !
Enlevé quoi ? Les cadres que le temps et l’identité formatent comme dans la fameuse grotte des ombres de Platon. Nous existons au-delà de nos petites histoires et notre esprit perçoit au-delà de nos limites locales.
Bien qu’agissant uniquement dans l’ici et maintenant, j’en suis libre puisque que c’est le vortex de l’infini et du nulle part, c.à.d. partout depuis toujours ! Ceci est ma conscience d’Etre, et être c’est Voir et voir est le seul acte pur (non discriminant)
Les Maîtres zen disent « voir dans sa propre nature, par sa propre nature, la nature de toutes choses »
La nature propre à chacun est le Soi qui est vision de lui-même dans l’Acte de Voir !!
Si l’on ne s’en tenait qu’a cela à tous les instants, nous serions en parfaite harmonie avec l’infini de la nature de toutes choses… En perdant cette innocence nous devenons des intelligents de la discrimination (courant après des définitions qui fuient sans cesse juste devant nous !)
Si je résume !
Le bon usage de ma vie est d’être en alerte pour être lucide et donc sage… est sage celui qui se voit tel que sa nature l’a fait… se voir en méditation profonde c’est donc être sage.
C’est ce que Maître Dogen dit « pas de différence entre zazen et satori, zazen n’est pas la condition pour faire advenir l’éveil ! Ils sont simultanés. Quand on est en zazen au-delà de toutes pensées, il y a éveil et réciproquement»
Mon vœux que je nous souhaite à tous en ce début d’année est donc un oxymore ;
Redevenons des innocents conscients
A se revoir le plus vite possible !
Philippe