Coussin de méditation sur un tapis de méditation
État de connexion

Échanges avec Camille et Luis sur le thème du choix.

— Échanges avec Camille et Luis sur le thème du choix.

07/09/22        Échanges avec Camille et Luis sur le thème du choix.

Luis.     Dans la transition de « l’état conditionné » vers celui de « l’oubli lucide de soi », pendant cette fenêtre-là, j’ai l’impression que d’une certaine manière on effectue des choix effectifs.

C’est-à-dire qu’on peut réaliser le choix de l’ascension progressive ou celui de rester, plus ou moins consciemment, dans le connu de notre zone enfermante de confort.

Je me dis qu’on a quand même la responsabilité de nos choix à ce moment là.

Ou alors, est-ce que là aussi, il s’agit de la vie en nous qui nous fait prendre ces quelques mètres de hauteur pour nous pousser à sortir de nos conditionnements ?

Philippe.        Bouddha indiquait que le temps de la sortie de l’ignorance vers la totale connaissance innée en passe par une connaissance graduelle par acquis.

Il précisait que pendant ce temps-là, il nous fallait être extrêmement vigilant, sur nos relations et leurs implications, qui façonnent, de fait, notre devenir.

Mais quand Sariputra, disciple de Bouddha, l’interrogea sur les différentes réponses à ce sujet,

il ajouta  « cela dépend de l’endroit où l’on est ! En réalité quand tout est accompli, l’on voit que jamais dans l’acceptation de ce qui est, un choix, autre qu’un refus, ne peut se jouer délibérément »

 

L.   Bon nombre de personnes disent fréquemment : « je n’ai pas le choix ».

J’étais jusque là persuadé qu’en réalité elles avaient quand même le choix, et qu’elles faisaient d’ailleurs le choix le moins pire pour elles, en fonction de leurs projets de vie et leur confort présent ou futur.

Et dire qu’elles n’ont pas le choix était pour moi, une sorte de stratégie leur permettant de se déresponsabiliser. Peut-être que je suis trop dur et dépourvu de compassion envers elles.

 

Ph.      Dans le « je n’ai pas le choix » on subit un déterminisme global, qui ne convient pas à nos espérances ; d’où les souffrances.

Épictète le stoïcien disait ; « quand un chien est attaché à une charrette, s’il veut la suivre, il est tiré et il la suit, en faisant coïncider son acte spontané avec la nécessité ; mais s’il ne veut pas la suivre, il y sera contraint. De même, en est-il des hommes : même s’ils ne le veulent pas, ils seront dans tous les cas contraints de suivre leur destin. »

Dans l’ignorance, il n’y a pas d’adhésion à ce qui est. Le chien est tiré et étranglé par sa liaison au chariot/destin.

Quant à  la responsabilité ; On ne peut pas, par compassion, obliger quiconque à changer de comportement. On peut seulement être une inspiration vers un retournement, par la complétude heureuse que l’on expérimente dans l’adhésion à ce qui est.

 

Camille.         Pour commencer, dis-moi s’il te plaît si j’ai bien compris :
– Il est impossible de se libérer de tout conditionnement, mais c’est la direction à prendre pour une perception plus lucide et moins déformée par la mémoire
– L’existence d’une volonté ne relève pas d’un choix.

Philippe.        Oui, tu as raison. Hors Ego, nous agissons toujours dans La Nécessité « désintégration/intégration » dans ce qui advient. Et ce que l’on appelle « volonté » c’est l’adhésion à notre désir premier (englobant tous les autres) qui est d’ « apprécier la vie en nous ».

Le choix apparaît par l’ego dans sa capacité à opacifier le réel et donc de le réfuter.

C.        Si les « choix » que je fais au quotidien (vanille ou chocolat ? Me lever tôt ou me prélasser au lit ?…) sont en réalité déterminés par mes expériences passées, comment se fait-il que j’aie la ferme impression de choisir ?

Est-ce parce que je manque simplement de lucidité sur les chaînes de causalité dans lesquelles je suis impliquée ? Parce que jusqu’ici, je croyais en la toute-puissance de ma volonté ?

Ou parce qu’il existe toujours cette fausse alternative en contradiction avec mon être, de résister, qui me donne l’illusion du choix ?

Ph.      Là, tu dis tout. Ce que j’appelle « lucidité » c’est de se savoir au beau milieu de la causalité…et que nous sommes donc des êtres relatifs à tout ce qui se présente, dans le ce qui est.

La toute-puissance de l’affirmation d’une volonté, résulte de notre identification enfermée dans le monde relatif de notre carrosserie (le corps) en oubliant qu’il y a un moteur absolu dans cette carrosserie « La Vie » qui en chaque instant Est-ce qui Est !

Si tu es très fatiguée, ta conscience non conditionnée, t’ordonne de rester au lit. Sinon de te lever après un sommeil suffisant !

C’est simple ! et tous les « oui, mais ! » viennent de l’hypocrisie des morales inventées. Alors qu’il nous suffit d’être éthique avec soi-même (en accord avec sa conscience).

C.        En fait je rencontre assez peu ce problème du choix au quotidien, parce que si je suis sur des rails qui me conviennent, j’ai effectivement la sensation d’une évidence.

En revanche, de temps en temps, j’ai plus de difficultés à choisir. Je me demande comment faire alors pour distinguer quelle option résiste, et quelle option se laisse porter par la vie ?

Quand j’hésite, rien n’est limpide, aucune des alternatives ne me paraît nécessaire… A moins que, si le choix est difficile, ce ne soit déjà que je suis en train de résister ? Et donc que ce dilemme n’aurait pas lieu d’être dans une perspective où je me laisserais entraîner par le « chariot/destin »…

Ph.      Quand un choix artificiel, t’est imposé par le monde relatif, c.a.d. pas nécessaire pour ton être absolu, il est quand même réalité. Donc et sans attachement y répondre avec l’option du meilleur apprentissage qui se présente dans cette demande… et là, à nouveau il y a évidence !

C.        L’idée qu’il n’y a pas de choix me questionne aussi sur notre système punitif de justice.

S’il n’y a pas de choix, on peut difficilement demander aux personnes de rendre des comptes si elles commettent des actes graves !

Je me demande comment concilier l’intransigeance vis-à-vis de l’impardonnable et la compassion qu’engendre nécessairement une plus grande lucidité sur les causes de ces actes. Ou bien est-ce que, pour en arriver là, ces personnes ont systématiquement résisté à la vie en elles, et peuvent donc être tenues responsables de ce pseudo choix ?

Ph.      L’éducation adéquate au réel prévaut toujours sur la punition… évidemment !

Répondant trop souvent à la facilité glissante des plaisirs qui nous épargnerait (croyons nous) la courageuse construction du bonheur… (c’est notre ignorance) !  Nous en venons, comme tu dis si bien, à systématiquement résisté à la vie en nous.

La morale sociale doit agir là où l’éthique est absente.

Et si la morale est un peu éthique, elle doit par la punition éduquer l’ignorance.