Je pense, donc je fuis !
A chaque fois que l’on pense, l’on tente de faire des schémas au plus proche de ce que l’on croit (vouloir) être.
C’est donc bien en fuite de la réalité que ce fond de discours continus enveloppe nos incertitudes dans notre grotte d’ombres (pour le dire comme Platon)
Et si j’inverse la proposition : Ne fuyant plus, je ne pense plus !
Etre sans aucune pensée ! Est-ce possible ?
Non, quand nous sommes distraits ! Car nos ruminations moulinent! (*1)
Oui, quand nous sommes dans une vive attention ! Et même dans une expérience de pensées à la manière Einstein, car c’est moins une pensée qu’une expérience. (*2)
Non, donc quand au beau milieu de la réalité, nous la quittons pour la jouer à notre manière, c.à.d. en en faisant tout autre chose filtrée par nos désirs et espoirs.
Oui, quand ne sachant plus rien de soi-même et du présent qui l’actualise, nous devenons extrêmement vigilants, afin d’adapter notre corps et esprit au mouvement infini de ce présent.
Ne plus fuir, demande d’être hardi et détaché pour être capable de s’observer, tel un scientifique, sans être effrayé ou honteux de regarder nos sensations, nos pulsions et états d’esprit (Michel de Montaigne en à fait son œuvre).
Ne plus fuir, c’est ne plus tricher avec soi-même (et donc avec les autres). C’est aller au-delà du bien et du mal, du juste et du faux… seulement constater à la manière Spinoza, les processus qui augmentent ou diminuent notre joie d’être !
Toute la nature de notre être est bonheur, vivement exprimé par ce que chacun d’entre nous recherchons intensément.
Si nous ne fuyons plus par une observation rigoureusement silencieuse, au milieu même de toutes actions/réactions, alors tout se réajustera en reprenant exactement sa place dans le continuum d’être… en voyant apparaître et disparaître chaque émotion et état d’esprit de manière impartiale et détachée.
En ne fuyant plus, on ne pense plus, on ne trafique plus une quelconque appropriation de quoique ce soit ! Délestés de toutes représentations de nous-mêmes … Nous sommes libres ! (Lorsque la conscience parle, le mental ne peut que se taire).
Philippe.
Le degré d’absence de pensées est la mesure de votre progrès sur la voie spirituelle.
Ramana Maharshi
(*1) La rumination puise sa source dans les peurs, le manque de confiance et surtout dans une image de soi fantasmée. « Quiconque prête quelque attention à ses processus mentaux ne tarde pas à découvrir qu’une forte proportion de son temps est dépensée à remâcher et ruminer le passé et à goûter par avance l’avenir, d’où le succès de tous nos discours imaginés par des cartes et autres.
Aldous Huxley »
(*2) Les expériences de pensée permettent de tester des hypothèses difficiles, voire impossibles à évaluer par une expérience réelle. Ex : si du quai d’une gare j’observe tomber une balle lâchée dans un train en mouvement, je n’observe pas la même trajectoire (une courbe) que celle observée par l’expérimentateur situé dans le train (une droite), mais ces deux trajectoires dépendent de la même équation (Einstein). (Expérience d’observation mécanique de la réalité pour en comprendre les fonctionnements). Spinoza utilise la même impartialité pour comprendre les véritables causalités qui interagissent dans nos actions/réactions émotionnelles.